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Le moule de la soci̩t̩ РJupiter Phaeton

Written by: S'épanouir

Le moule de la société

La société est dictée par la majorité. Il faut apprendre à faire avec. Il faut s’intégrer, il faut connaître les règles, il faut un minimum d’intelligence sociale. C’est ce qu’on intègre quand on va à l’école : comment interagir avec les autres. On nous stocke aussi tout un savoir formaté dans la tête, en nous persuadant qu’il va nous être utile plus tard. On nous bourre le crâne de principes, de valeurs, on nous inculque des manières de parler, de se comporter : on nous met dans le moule de la société.

L’école, mais aussi la famille et l’entourage contribuent à la création de ce moule. Attention, ce moule est important : il est celui qui va nous permettre de nous débrouiller plus tard en toute autonomie. Il nous façonne. Il étouffe aussi notre créativité, il vient nous polir, il vient gommer nos traits de caractère trop excentriques, notre imagination débordante, notre capacité à rêver, il vient nous sculpter et faire en sorte que nous rentrions dans le même moule que les autres, sans un poil qui dépasse.

Mais il nous permet d’interagir avec la communauté, il nous dicte la voie de la majorité, il fait de nous des standards. Je ne doute pas de l’importance de savoir se comporter en communauté et de faire preuve d’un minimum d’intelligence sociale. En revanche, il manque une étape après ce bourrage de crâne : nous désapprendre tout ça.

Parce que c’est notre entourage, notre famille, les professeurs, l’école et nos camarades : ces mêmes personnes qui sont supposées nous protéger envers et contre tout, qui minent notre confiance en nous. C’est l’époque où on nous apprend à faire attention au regard des autres, parce que si on met un pas en dehors du moule de la société, on nous regarde bizarrement, on se moque, les parents ont des remarques d’autres parents, ils ne se sentent pas à l’aise.

Toute la société semble nous observer, cherchant à savoir à quel moment on va se vautrer, à quel moment on va sortir des clous. Les gens qui sortent des clous ne sont pas bien vus. Et c’est là que la confiance en soi se perd petit à petit, c’est là que le regard des autres prend le pas sur nos propres envies et désirs. Il y a des choses qu’on a peur de faire, d’autres qu’on n’ose carrément plus tenter ou exprimer.

Personne ne nous apprend qu’un jour, il faut laisser ce moule de côté et réfléchir à nos propres aspirations. On a la tête dans l’école, dans les études supérieures qu’il faudrait faire, celles que les parents veulent qu’on fasse, celles que les amis veulent qu’on fasse et dans le fond, on ne sait même plus ce que nous, on veut vraiment faire. Alors on se conforme aux attentes de la société : on est bon en maths ? On ira faire une prépa S ou une école d’informatique. On est bon en littérature ou en langues étrangères ? On ira faire une prépa L ou on ira à la faculté. Et si on n’a pas de succès dans le système scolaire classique ? Eh bien il y a d’autres voies qui s’ouvrent à nous.

Les années suivantes, on les vit dans le tourbillon des études ou du travail, la tête dans le guidon, à essayer de combler les attentes du moule de la société. À tenir dedans, à se hisser à la hauteur de ce que les parents ou l’entourage attend de nous, pour lire de la fierté dans leurs yeux, pour les entendre dire « bravo Â» et pour obtenir leur « validation Â».

Jamais l’être humain n’a eu besoin d’autant de validation dans sa vie que depuis l’essor des réseaux sociaux. On cherche sans cesse à obtenir l’approbation des autres dans nos choix, qu’ils soient anodins ou importants. Si déjà certaines personnes ont du mal à se décider sur ce qu’elles vont porter le matin et qu’elles demandent l’avis à leur réseau, comment espérer qu’elles puissent prendre une décision par elle-même sur des choses vraiment importantes ?

Mais je m’égare, nous parlerons du fléau des réseaux sociaux plus tard, de la chasse aux likes, de la validation que ça entraîne et du manque de confiance en soi d’une génération entière à cause de ça.

Un jour, on se réveille, on se dit qu’on a tout : un job, un toit et de quoi manger. On se dit « je suis supposé être heureux, non ? Â» et on n’ose pas dire qu’on ne l’est pas, parce que selon les standards de la société, selon ce moule dans lequel on nous a appris à nous glisser, tout dit qu’on devrait être heureux.

Non. Si on nous inculque à rentrer dans ce moule, c’est parce que nous n’avons jamais été aussi nombreux sur terre et c’est normal de nous apprendre à vivre en communauté, de nous donner un socle sur lequel s’appuyer, mais on en oublie de réveiller l’individualité qui est en nous. Et par « individualité Â», je ne veux pas parler d’égoïsme, je veux parler du fait que nous sommes tous uniques, que nous avons tous des aspirations différentes, et qu’on devrait, quelque part, dans notre parcours, nous apprendre à désapprendre. On devrait nous ramener à nos désirs profonds qu’on avait quand on était enfant, nous réconcilier avec ce que nous voulons vraiment et pas ce que les autres attendent de nous.

Je me souviens de m’être retrouvée devant un psychologue, alors que j’entamais un parcours après avoir découvert que j’étais sur-efficiente et je me souviens particulièrement bien de cette question qu’il m’a posée :

Qu’est-ce que tu veux dans la vie, Jupi ? De quoi tu as envie ?

Et ma réponse, après de profondes secondes de réflexion :

Je ne sais pas.

Je savais ce que les autres attendaient de moi. À l’époque, j’avais monté une entreprise, qui tenait la route, qui me permettait de me générer un bon salaire et de payer des employés. J’étais jeune, on considérait que c’était le succès, même si j’étais en dehors des clous parce qu’être chef d’entreprise à mon âge n’était pas commun.

Mais j’avais toujours été en dehors des clous selon moi.

Et je réalisais, avec cette question, que mes choix de vie jusqu’ici, n’avaient pas toujours été guidés par mes envies, car j’étais incapable de savoir ce que je voulais vraiment. Mon entourage avait joué un grand rôle dans toutes mes décisions, non pas que je les aies consultés pour les prendre, mais plutôt que l’idée de leurs regards et de leurs retours, suffisait à m’aider à choisir ce qui irait dans leur sens.

Pour ma famille, je courais après le succès financier, le fait d’être mon propre chef, d’être précoce, parce que j’espérais qu’un jour, ils me valideraient. Qu’ils me diraient qu’ils étaient fiers de moi.

Pour mes amis, j’avais toujours été celle qui était douée, et j’essayais désespérément de vivre à la hauteur de cette image en m’embarquant dans les défis les plus complexes possibles. J’attendais d’eux qu’ils me valident aussi.

Pour mon associé, qui était venu me voir pour monter cette entreprise, je crois que je m’étais juste sentie flattée que quelqu’un qui avait douze ans de plus que moi veuille s’associer à moi pour ouvrir une entreprise. J’attendais sa validation chaque semaine également.

Rien de tout ça n’émanait de mes désirs profonds. Tout émanait de mon envie que les autres me valident, me disent que ce que je faisais était bien, exceptionnel ou je ne sais quoi encore. Je vivais pour la validation des autres.

J’ai été incapable de répondre à cette question de mon psychologue pendant six mois. J’ai d’abord commencé par savoir ce que je ne voulais pas, ce que je n’aimais pas, parce que même ça, je n’étais plus capable de le discerner.

J’ai alors réalisé le pouvoir du moule de la société : même si j’avais l’impression d’avoir passé ma vie à être une extraterrestre, je ne l’étais pas vraiment. Je m’appuyais sur le regard des autres, je n’avais pas du tout confiance en moi et je ne faisais pas des choix pour moi, je le faisais en fonction des réactions que les autres auraient.

Terrible, non ? C’était l’effet du moule de la société. Moi qui étais persuadée, avant cette discussion, de ne pas me soucier du regard des autres, de ne pas faire attention à ces choses-là et que mes choix dits « risqués Â» pour les standards de la société, étaient clairement une marque de courage de ma part, je réalisais alors que ça ne l’était pas, que j’étais dans le déni et que je ne faisais que me cacher derrière une façade, une image, que je n’avais même pas construite moi-même, mais que je m’étais imposée en fonction des retours des autres et de ce que j’imaginais qu’ils pensaient de moi.

Le moule de la société avait son emprise. Je m’étais enfermée dans un rôle, celui que j’avais l’impression qu’on m’avait attribué d’office et je n’étais pas heureuse. Je peinais à me sortir de cette situation, parce que tout dans la société me criait que j’aurais dû être heureuse. Et la société n’aime pas le changement.

Néanmoins, j’étais décidée à changer ça. Alors, un jour, en retournant chez mon psychologue, je lui ai dit :

Je veux vendre mon entreprise.

Il a souri, il savait qu’on allait en arriver là depuis un moment j’imagine, il fallait juste que j’arrive moi-même à cette conclusion. Je venais de décider que j’allais me passer de la validation de la société. Et j’entamais, par la même occasion, un parcours pour découvrir qui j’étais vraiment.

J’avais 27 ans et je venais de me rendre compte que je ne savais pas qui j’étais.

Je crois que c’est ce qui manque aujourd’hui à notre système : on nous apprend à nous fondre dans le moule, mais on ne nous apprend à nous découvrir nous-mêmes. On nous apprend à être quelqu’un, un pion qui rentre dans le cadre du moule, mais on ne se pose pas la question de savoir si ça nous convient. On nous fait perdre notre confiance, on nous apprend à nous soucier du regard des autres, mais on ne nous dit pas comment récupérer cette confiance et comment ne plus faire attention à ce que les autres pensent.

Et pourtant, tout pourrait se résoudre si on prenait le temps de se demander qui on est vraiment, parce que c’est de là que vient la confiance en soi : c’est le moment où on sort du moule de la société, de cette image que l’éducation et l’entourage a façonné pour nous, c’est le moment où on se dresse sur ses deux jambes, où on a fait une bonne introspection et on se dit « je suis telle personne Â», peu importe le regard extérieur qu’on portera sur nous. C’est cet instant où on se connait suffisamment bien pour savoir quelles sont nos valeurs, quelles sont nos priorités et qu’on peut agir en fonction d’elles. Avant ça, nous sommes en dissonance totale parce que nous agissons en fonction de la majorité, pas en fonction de nous. Et pire : on ne sait pas qui nous sommes vraiment, alors comment savoir si nous agissons correctement vis-à-vis de nous-mêmes et de nos propres aspirations si nous n’avons aucune idée de la personne que nous sommes ?

Il y a un jour où il faut s’arrêter et prendre le temps de réfléchir : est-ce que je sais qui je suis ? Réellement ? Sans me soucier de ce que les autres pensent ? Si demain je recommençais ma vie dans un autre pays où personne ne me connaît, est-ce que je serais la même personne ? Qu’est-ce que je changerais ?

Et effectivement, le jour où on en entre en résonance avec soi-même, le regard des autres est lourd au début, parce qu’on est nouveau dans ce jeu de quitter le moule de la société, on fait d’abord des petits pas hésitants, tremblants, puis avec le temps, comme toute nouveauté, on s’habitue et le regard des autres coule sur nous. Ils ne savent pas ce qui est bon pour vous, ils ne savent pas ce qui vous rend vraiment heureux et s’ils vous incitent à revenir dans le moule, c’est parce qu’ils projettent leurs propres peurs sur vous. Les bons amis, les vrais amis, vous soutiendront et vous regarderont vous épanouir avec joie.

D’ailleurs, quand j’ai annoncé à mon entourage que je vendais mon entreprise, les réactions m’ont permis tout de suite de comprendre qui étaient ceux qui me soutenaient et qui étaient ceux qui ne me soutenaient pas. Quantités de personnes n’ont pas compris pourquoi je me séparais de ce qu’ils appelaient « mon bébé Â», dans lequel j’avais investi tant d’énergie et qui fonctionnait si bien. Ce n’est pas un problème de ne pas comprendre. En revanche, ceux qui ont essayé de me faire changer d’avis, qui ont critiqué durement mon choix en me disant que je faisais une erreur, sans m’écouter en retour, ceux-là, je savais que je n’avais plus besoin d’eux dans ma vie. Il n’y avait ni bienveillance ni soutien dans leurs propos, il n’y avait que leurs propres peurs, qu’ils projetaient sur moi, que leur envie de me montrer qu’ils savaient mieux que moi ce dont j’avais besoin. Comme si j’étais un petit être perdu qu’il fallait protéger parce qu’il quittait le moule de la société et qu’il fallait trouver un moyen de l’y ramener. On ne quitte pas le moule de la société comme ça, sans se faire rattraper par les lianes de ceux qui y sont encore : c’est l’impression que ça donnait, qu’on voulait m’empêcher de sortir du moule, qu’on voulait m’y ramener de force. Parce que si je sortais du moule, je leur montrais qu’ils pouvaient le faire aussi et ça, c’est difficile à vivre.

Il y a des millions de personnes, là dehors, à qui on n’a pas appris à désapprendre, à qui on n’a pas expliqué qu’ils ont le droit d’être la personne qu’ils veulent vraiment être et qui continuent de tourner en rond dans le moule, sans se sentir à l’aise, parce qu’ils n’ont pas vraiment choisi le costume qu’ils portent, on leur a imposé. Ils souffrent du regard des autres, ils essayent de se conformer.

Se conformer.

J’essaye encore de faire tourner les mots dans ma tête, mais ils me semblent étrangers aujourd’hui. Se conformer à quoi ? A ce que les autres attendent de nous même si ça nous rend malheureux ? Pourquoi ? Tout simplement parce que quand on n’a pas confiance en soi par soi-même, on cherche cette confiance à travers les autres, à travers leur validation. Et c’est comme ça qu’on obtient de l’estime de soi dans ces situations : à travers les autres, à travers leurs compliments, le nombre de likes sur les réseaux, le nombre de commentaires et de partage. Et ça nous fait nous sentir bien, temporairement. Puis la vague revient frapper plus fort, plus tard, jusqu’à ce qu’on n’en puisse plus.

Je n’ai plus besoin de la validation de mon entourage quand je prends une décision, j’écoute ce qu’ils disent, parce que je suis entourée des bonnes personnes et que leur opinion a de l’importance pour moi, mais je ne vais pas laisser le regard de la société dicter mes choix. Je ne vais pas laisser les autres décider de ce qui fait mon bonheur ou non. J’ai confiance en moi par moi-même, j’ai confiance dans le fait que je vais faire des erreurs, que je vais me planter, que parfois je ferai demi-tour et je changerai d’avis. Et c’est OK. Je n’ai plus besoin de la validation des autres pour avancer, parce que j’avance sur ma propre route, pas sur la leur.

On n’a qu’une vie. Je ne cesse de le répéter et de le marteler. Est-ce que tu veux la passer à te demander ce que serait ta vie si tu faisais tes propres choix, en toute conscience, sans te soucier du regard des autres ? Ou est-ce que tu veux vraiment essayer pour voir ce que ça donne ? Est-ce que tu veux passer ta vie à te conformer à ce que tu penses que les autres attendent de toi afin d’obtenir leur validation ? Ou est-ce que tu veux apprendre à avoir confiance en toi sans leur regard ?

Le courage, ce n’est pas de se conformer à ce que les autres attendent de nous, le courage ce n’est pas de sacrifier ses propres envies pour faire passer celles des autres avant les nôtres, le courage c’est de se dresser, face aux remarques et aux regards, et d’affirmer qui on est. Le vrai courage, c’est d’être honnête avec soi-même et les autres, même quand c’est difficile.

Mais pour ça, il faut prendre conscience du moule. Il faut que tu réfléchisses à s’il te convient ou non (parce que pour plein de gens, ce moule convient évidemment, mais j’ai comme dans l’idée que toi qui lis ce blog, tu ne te sens pas à l’aise dans ce moule), il faut que tu réfléchisses à qui tu es. Et ensuite, plutôt que de ruminer ces pensées pendant quatre ans avant de prendre une seule action, je te donne un conseil : agis. Agis avant de voir les mois et les années défiler et te dire « bon sang j’aurais dû oser plus tôt Â», agis. Il n’est jamais trop tôt pour être soi. Il n’est jamais trop tôt pour être heureux. Et la route est longue, le chemin est semé d’embûches alors n’attends pas demain pour commencer : mets-toi au boulot dès aujourd’hui.

Prends ton courage à deux mains, réfléchis à tes valeurs et à tes priorités, fais un pas en dehors du moule, tiens bon, apprécie ce sentiment d’être enfin aligné avec toi-même et continue.

Et n’oublie pas : la personne que tu es aujourd’hui n’est pas forcément celle que tu seras demain, tu peux te réinventer à chaque minute, tu peux t’ajuster à tes nouvelles valeurs et tes nouvelles priorités dès que tu sens une dissonance.

Rien n’est figé.

Contrairement à ce qu’on voudrait te faire croire.

Illustrations par la merveilleuse @blandine.pouchoulin

Tags: , , , , Last modified: 6 April 2021
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